• Lettre ouverte à Mme Valérie Pécresse, Ministre de L'Enseignement Supérieur et de la Recherche - Pétition

    L'influence des savants et des intellectuels est certes quelque peu en déclin dans notre nouveau modèle de société. Chercheurs, universitaires et intellectuels n'en continuent pas moins de creuser leur sillon, faisant fi du bruit et de la fureur extérieurs. Ce qui ne signifie pas qu'ils vivent dans des bulles hors du monde. Au contraire, ils sont plus investis que jamais dans la mission qui est la leur : contribuer avec d'autres à apporter à leurs concitoyens cet élément de pensée critique indispensable à la préservation de la démocratie. Grâce aux réseaux qu'ils tissent par la circulation de leur pensée et de leur parole, au-delà des préjugés, des mythes ou des frayeurs en vogue et de leur instrumentalisation, ils n'ont de cesse d'agir au nom de la liberté et de l'impartialité, quelles que puissent être par ailleurs leurs éventuelles appartenances religieuses ou affinités politiques. Nos sociétés, trop souvent soumises aux diktats des médias et de l'internet, ont besoin de cette parole libre, au seul service des principes de la démocratie, évoluant sans entraves et produisant du savoir, de la connaissance et de la réflexion. Il se trouve que dans notre pays la majorité des intellectuels appartient à la fonction publique, ce qui ne signifie pas qu'ils soient de quelque façon inféodés à des institutions ou au pouvoir politique, même s'il existe certes parmi eux des intellectuels organiques. Si la liberté est nécessaire pour penser et écrire, il va de soi que l'obligation de réserve qui s'applique en général à certaines catégories de fonctionnaires ne peut aucunement s'appliquer à leur cas, sauf à n'attendre d'eux que la reproduction d'une doctrine officielle et stérile. Aujourd'hui, la convocation devant une commission disciplinaire, de notre collègue Vincent Geisser, chercheur au CNRS, accusé de n'avoir pas respecté cette « obligation », constitue un signe supplémentaire et particulièrement alarmant de l'idée que les institutions de notre pays semblent désormais se faire de notre rôle. Devrons-nous donc soumettre nos articles, nos livres, nos prises de position publiques à l'approbation de leur censure, alors qu'aucune consigne ne devrait émaner d'elles si ce n'est celle de la rigueur intellectuelle et de la créativité qui accompagne toute recherche ? Quels compromis honteux devrons-nous accepter pour échapper à l'humiliation d'un conseil de discipline ? La France, pays des droits de l'homme et de la liberté d'expression, est-elle en train de perdre son âme ? Comment continuer à faire notre travail, à assumer pleinement notre vocation, sous la menace constante de la sanction ? Que sommes-nous ? De simples courroies de transmission des idées qui ont l'agrément de nos dirigeants et des institutions qui nous emploient, ou des hommes et des femmes autonomes exerçant leur métier librement, en toute responsabilité, en toute honnêteté, et au service d'une recherche, d'une pensée et d'un savoir libres de tout carcan idéologique, n'ayant d'autre limite que la considération du bien commun ? L'obligation de réserve ne peut en aucun cas valoir pour les intellectuels, y compris lorsqu'ils sont fonctionnaires. Les y soumettre revient purement et simplement à les faire disparaître comme intellectuels, c'est ruiner la liberté dont ils ont besoin pour continuer leur oeuvre salutaire, indispensable à la vie normale d'un pays politiquement sain, et qui a besoin d'eux pour son équilibre. Ce qui arrive à notre collègue Vincent Geisser, qui a le malheur de travailler sur l'islam, sujet brûlant s'il en est, est d'une extrême gravité et interpelle tous les citoyens de ce pays. Le traitement indigne auquel il est soumis est une honte pour la profession et pour la France.


    Pour signer : http://petition.liberteintellectuelle.net/

    COLLECTIF POUR LA SAUVEGARDE DE LA LIBERTÉ INTELLECTUELLE DES CHERCHEURS ET ENSEIGNANTS-CHERCHEURS DE LA FONCTION PUBLIQUE


    COMITÉ DE LANCEMENT

    1. Ghislaine ALLEAUME, directrice de recherches au CNRS, directrice de l'IREMAM
    2. Jean-Christophe ATTIAS, directeur d'études à l'Ecole pratique des hautes études
    3. Etienne BALIBAR, professeur émérite à l'Université de Paris 10 Nanterre
    4. Nicolas BANCEL, professeur à l'Université de Strasbourg, détaché à l'Université de Lausanne
    5. Jean BAUBEROT, professeur émérite de la chaire Histoire et sociologie de la laïcité à l'Ecole pratique des hautes études
    6. Esther BENBASSA, directrice d'études à l'Ecole pratique des hautes études
    7. Daniel BENSAÏD, professeur de philosophie à l'Université de Paris 8
    8. Pascal BONIFACE, géopolitologue, Université de Paris 8
    9. Marie-Françoise COUREL, directrice d'études à l'Ecole pratique des hautes études,présidente honoraire de l'EPHE, ancienne directrice scientifique du département SHS du CNRS
    10. Denis CROUZET, professeur à l'Université Paris-Sorbonne (Paris 4)
    11. Alain DE LIBERA, professeur d'histoire de la philosophie médiévale à l'Université de Genève, directeur d'études à l'Ecole pratique des hautes études
    12. Christine DELPHY, directrice de recherche émérite au CNRS
    13. Éric FASSIN, enseignant-chercheur à l'École Normale Supérieure
    14. Nacira GUENIF, sociologue, maître de conférences à l'Université Paris Nord
    15. Edgar MORIN, directeur de recherche émérite au CNRS
    16. Laurent MUCCHIELLI, directeur de recherche au CNRS
    17. Denis PESCHANSKI, directeur de recherche au CNRS, ancien directeur adjoint du département SHS du CNRS
    18. Roshdi RASHED, directeur de recherche émérite au CNRS, professeur honoraire à l'Université de Tokyo
    19. Olivier ROY, directeur de recherche au CNRS
    20. Vincent TIBERJ, chercheur au Centre d'Etudes Européennes de Sciences Po et maître de conférence à Sciences Po
    21. Tzvetan TODOROV, directeur de recherche honoraire au CNRS
    22. Jérôme VALLUY, enseignant-chercheur, science politique, Université Panthéon-Sorbonne (Paris 1, CRPS, TERRA)

    PREMIERS SIGNATAIRES


    23. Amin ALLAL, Institut de recherche sur le Maghreb contemporain (IRMC), Tunis
    24. Françoise ASSO, écrivain, maître de conférences de littérature française à l'Université de Lille 3, membre du collectif "UNIvers.Cité"
    25. Francis BAILLEAU, sociologue, directeur de recherche au CNRS
    26. Hélène BELLOSTA, directeur de recherche honoraire, CNRS
    27. Maïté BOUYSSY, maître de conférences (HDR) en histoire contemporaine à l'Université de Paris 1-Panthéon-Sorbonne
    28. Noëlle BURGI, chercheure CNRS
    29. Hélène CLAUDOT-HAWAD, directrice de recherche au CNRS
    30. Albano CORDEIRO, retraité, CNRS
    31. Michèle CREMOUX, Toulouse
    32. Catherine CURRAN VIGIER, maître de conférences d'anglais, Université de Rouen
    33. Laurence DE COCK, professeur agrégée d'histoire, formatrice à l'IUFM de Versailles
    34. François DESPLANQUES, maître assistant retraité de l'Université de Nice Sophia Antipolis
    35. Fabrice DHUME, sociologue, chercheur à l'ISCRA
    36. Maryse ESTERLE HEDIBEL, enseignante-chercheure à l'IUFM Nord Pas de Calais, Université d'Artois, chercheure CESDIP
    37. Colin FALCONER, formateur d'anglais à la retraite, actuellement intervenant à l'université de Paris 3 (Département de la Formation Continue)
    38. VINCENT FOUCHER, CR1 CNRS - CENTRE D'ETUDE D'AFRIQUE NOIRE 39. Yvan GASTAUT, maître de conférences en histoire contemporaine à l'Université de Nice
    40. Charles GIRARD, allocataire-moniteur en philosophie, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne
    41. Jean-François HAVARD, maître de conférences en science politique, Université de Haute Alsace - Mulhouse
    42. Christine HUGUET, maître de conférences en littérature anglaise à l'Université Charles-de-Gaulle Lille 3
    43. Florence HULAK, ATER en philosophie à l'Université Paris 1
    44. Moritz HUNSMANN, doctorant en Recherches Comparatives sur le Développement, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), Paris, Albert-Ludwigs-Universität Freiburg, Allemagne
    45. Rada IVEKOVIC, professeure des universités, Université de Saint-Étienne & Collège international de philosophie, Paris
    46. Liêm-Khê LUGUERN, professeur d'histoire-géographie, doctorante EHESS-IRIS
    47. Sami MAHBOULI, doctorant, Université Montpellier 1, CEPEL
    48. Antoine MATH, chercheur à l'Institut de Recherches Economiques et Sociales (IRES)
    49. Gilbert MEYNIER, professeur émérite à l'Université de Nancy 2
    50. Soulé NGAIDE, Cimade
    51. Olivier NOËL, sociologue, ISCRA-INED
    52. Alexandre PIETTRE, doctorant "sociologie du pouvoir" - CSPRP, Université de Paris 7, Ater science politique - DCS, Université de Nantes
    53. Gildas RENOU, Université Rennes-1
    54. Alain RUSCIO, chercheur indépendant
    55. Jean SALEM, philosophe, professeur à l'Université Paris 1 (Panthéon-Sorbonne)
    56. Pierre SALY, maître de conférences honoraire en histoire contemporaine à l'Université de Paris 1
    57. Aude SIGNOLES, maitre de conférences en science politique, Université de Galatasaray, Đstanbul (Turquie)
    58. Bahram SOLTANI, Maître de conférences, directeur de recherche, Université de Paris 1 Sorbonne
    59. Sylvie THENAULT, chargée de recherche, CNRS (Centre d'histoire sociale du XXe siècle, UMR 80 58)
    60. Claire VISIER, maître de conférences en science politique


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