• "Dans la nasse du sarkozisme" Retour sur le rassemblement place de la Sorbonne

    Cernés de toute part, claquemurés dans l’angoisse, nous avons vécu ce soir une belle métaphore de ce qu’est la France sarkozienne.

    Il y a d’abord cette impression d’être pris au piège. Un ingénieux dispositif policier se referme brutalement sur quelques deux cents étudiants et enseignants qui manifestent pacifiquement place de la Sorbonne, afin de soutenir une centaine de collègues qui occupent le bâtiment.

    Les CRS sont en surnombre et veulent visiblement montrer leur force. Ils ont déjà exécuté devant nous, sans raison apparente, les jours précédents, des démonstrations de tonfa dignes des meilleurs films de Jackie Chan. Il y a donc ce sentiment d’enfermement quand les visières claquent sur les casques, et cette claustrophobie que créent les boucliers qui se rapprochent pour former un petit cercle parfait. On comprend que le but des CRS n’est pas de nous encercler pour sécuriser un périmètre, mais de nous faire sentir une forme de claustration. Le cercle se referme, les CRS poussent les uns contre les autres des gosses de vingt ans à l’aide de leurs boucliers. Les jeunes suffoquent, apeurés. Le cercle se resserre, se resserre. On se découvre prisonnier d’une étreinte plombée. Toute velléité de contestation est étouffée. La France de Nicolas Sarkozy, c’est d’abord un pays où il fait bon étouffer.

    Il y a ce sentiment d’enfermement, d’oppression, qui se termine après deux heures de claustration-spectacle par un banal contrôle d’identité. Deux-cent personnes se demandent de quel spectacle ils ont été les figurants.

    Le fonctionnaire de police qui note votre identité n’a qu’un stylo bille. Travail de Sisyphe absurde, il devra saisir une nouvelle fois tous ces noms ce soir sur un clavier. Ces noms seront stockés dans des fichiers. Ces fichiers seront méticuleusement classés. Qui lira ces données ? Qui les interprètera ? Peu importe, l’essentiel du sarkozisme est d’avoir deux-cent noms supplémentaire sur la liste de nos peurs. L’absurdité montre son visage :  le but de la manœuvre était d’identifier une angoisse, de nommer le mal absolu : ce dangereux terrorisme d’ultra-gauche qui prépare le renversement de nos fragiles démocraties en faisant trembler la sécurité de l’état. La nouvelle barbarie c’est de s’attaquer au tout nouveau statut des enseignants-chercheurs.

    Identifier la mal, le circonscrire, l’enfermer dans une ceinture de boucliers, c’est contenir le peuple de ceux qu’on ne connaît pas, c’est cerner l’étrangeté de celui qui nous fait face :  sans visage et sans papier. C’est la raison pour laquelle il faut lui arracher son nom comme un trophée de guerre. Ce dispositif d’enfermement spectaculaire n’avait finalement qu’un but : contenir l’angoisse de celui qui l’avait mis en œuvre.

    Pourtant, qui peut dire que nos angoisses sont la mesure d’un réel qui nous échappe ? Qui peut croire qu’elles sont les juges de l’infinitude du monde qui vient ? Dans la nasse chacun devient un étranger qui fuit son ombre, dans la nasse nous sommes tous des prisonniers politiques en pays démocratique. La nasse contient nos peurs pour mieux étouffer nos espoirs, elle est à sens unique.

    Olivier Long.

    Enseignant. UFR des Arts plastiques 


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