• L’enseignement de la peur - par Nicolas Charles dans La vie des idées

    La jeunesse française se caractérise par un manque de confiance et un profond pessimisme sur son avenir. Selon Olivier Galland, ce problème repose en grande partie sur la conception française de la formation des jeunes, dont l’effet le plus clair est de perpétuer les inégalités qu’elle prétend combattre. L’étude ouvre des pistes d’action politique et ébauche un programme de recherche.

    L’ouvrage d’Olivier Galland part du constat que « les jeunes ont peur », constat largement appuyé sur une étude sur les jeunesses dans le monde de la Fondation pour l’Innovation Politique en 2008. L’auteur retrace ensuite différentes explications de cette « peur », sentiment qui repose en grande partie sur la conception française de la formation des jeunes, qui se prétend égalitaire, mais qui crée en réalité beaucoup plus d’inégalités qu’elle n’en enlève. L’auteur suggère enfin des pistes d’action politique, et trace, en filigrane, un programme de recherche.
    Les jeunes ont-ils peur ?

    Sur le constat, les données exposées par l’auteur sont troublantes. Premièrement, la jeunesse française se caractérise par un profond pessimisme sur son avenir professionnel et celui de la société en général. C’est ce que montre une étude sur la jeunesse de la Fondation pour l’Innovation Politique en 2008. Parmi les nombreux pays étudiés, seule la jeunesse japonaise semble plus pessimiste que la jeunesse française. Comme dans les autres pays, les individus sont toujours plus pessimistes pour leur société que pour leur propre situation, preuve de la disjonction entre la perception subjective et la réalité objective de la société, mais preuve aussi qu’il existe une composante sociale dans ce sentiment collectif. Deuxièmement, les jeunes sont très peu confiants envers de nombreuses institutions, le gouvernement, les médias, mais aussi envers « les gens en général ». En outre, les jeunes Français ont un des plus faibles niveaux de sentiment d’appartenance collective à la société. Ils votent moins, ne se sentent pas représentés politiquement. Troisièmement, les troubles de l’adolescence paraissent en augmentation et l’auteur les relie à l’évolution de la qualité de la scolarité, que ce soit à travers la sévérité excessive des enseignants, l’exclusion scolaire, les redoublements multiples et la victimisation des élèves. La démocratisation, amenant des élèves de plus en plus hétérogènes, a en effet fait augmenter les tensions, entre les élèves eux-mêmes, entre les élèves et les enseignants, et plus globalement entre les attentes des jeunes et les exigences de l’école.

    À la lecture de cette première partie, on se pose la question de l’utilisation de la « peur » comme synthèse du pessimisme, du manque de confiance et de l’augmentation des troubles de l’adolescence. L’utilisation des mots n’est pas anodine, et ce terme pose question, à l’instar de la discussion récente sur les thèses de La société de défiance d’Algan et Cahuc, notamment sur l’utilisation du terme de « défiance » (voir le compte rendu sur La vie des idées. L’auteur utilise, comme ce dernier ouvrage, les termes de défiance, méfiance et manque de confiance de manière assez indifférenciée. Si le terme de « peur » résulte sûrement d’une nécessité d’accroche éditoriale, la notion classique d’intégration, qui apparaît en effet largement dans l’ouvrage, pourrait rassembler efficacement l’ensemble des problématiques de pessimisme, de manque de confiance et des troubles de l’adolescence. Néanmoins, si le terme de peur est discutable, il n’en reste pas moins que les données exposées sont difficilement contestables tant elles paraissent extrêmes et cohérentes entre elles.
    Une explication majeure : la crise du modèle méritocratique à la française

    L’auteur balaie d’emblée l’explication qui pourrait paraître la plus intuitive. La malaise des jeunes Français ne s’explique pas véritablement par une situation économique et sociale plus mauvaise qu’ailleurs. En effet, il n’y a pas moins de croissance en France, et pas beaucoup plus de problèmes de chômage. Il passe ensuite en revue trois questionnements à propos de cette peur : la jeunesse est-elle trop faiblement intégrée ? La génération actuelle des jeunes est-elle sacrifiée ? Y a-t-il une crise du modèle méritocratique à la francaise ?

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