• L'insertion professionnelle, clé décisive de la réussite, par Alain Renaut - Le Monde

    Il est de bon ton de se réjouir que le nombre des étudiants inscrits dans nos universités ait finalement, malgré la crise qui paralysa durablement l'an dernier une large part des formations, peu diminué en cette rentrée : presque 1 300 000 étudiants continuent de se presser dans 83 universités. Cette affluence persistante est particulièrement forte dans les premiers cycles : correspondant aux trois premières années d'études, celles de la licence, ils accueillent près de 800 000 étudiants, à peu près l'équivalent d'une ville comme Marseille. Comme si donc, malgré les mouvements qui ont troublé ou paralysé depuis deux ans la vie de ces établissements, rien ne s'était vraiment passé et comme si tout allait pouvoir reprendre sans plus d'interrogations.


    Deux observations pour le moins imposent cependant de ne pas se réjouir trop vite et de ne pas se borner à spéculer sur le maintien du statu quo.
    Tout d'abord, nous ne pouvons oublier qu'à ces 800 000 étudiants nos universités, en acceptant de les inscrire dans leurs cursus, adressent implicitement une promesse : non point certes celle de les conduire tous à réussir de façon égale leurs études, mais du moins, en principe, celle de leur offrir des chances égales d'y réussir, c'est-à-dire de réussir comme le leur permettent leurs mérites, entendus eux-mêmes comme la résultante de leurs talents et de leurs efforts. Cette promesse impressionnante n'engage pas que le petit monde universitaire : elle ne fait en réalité que particulariser celle qui se trouvait comprise, dès 1789, dans l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme quand elle proclamait que tous les citoyens sont "également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents". Or, de ce point de vue, pouvons-nous estimer que la promesse est aujourd'hui, mieux qu'hier, en voie d'être tenue ?


    Depuis 2007, la loi présentée comme "relative aux libertés et responsabilités des universités" (LRU) a inscrit dès son article 1, parmi les "missions du service public de l'enseignement supérieur", non plus seulement la formation et la recherche, mais aussi "l'orientation et l'insertion professionnelle". La chose a parfois déconcerté, voire heurté certains universitaires qui ont cru devoir y déceler une rupture avec la posture traditionnelle des universités : celle de créer et de transmettre le savoir pur, le "savoir pour le savoir", sans s'assujettir à d'autres considérations impliquant une relation à l'univers socio-économique des "professions".


    Une part des débats qui auront marqué l'an dernier les universités s'est ainsi enracinée dans la conviction que cette nouvelle mission assignée aux universités risquait de menacer les libertés académiques, en faisant prévaloir la logique du marché sur celle de la production de la science. Comment pourtant une loi qui apportait aux universités, en leur conférant enfin leur autonomie administrative et financière, une liberté approfondie n'eût-elle pas, par réflexion sur la simple notion de cette liberté, rencontré celle de leurs responsabilités à l'égard de leurs étudiants ? Plus précisément, comment, aujourd'hui, une offre de formation responsable (à l'égard de la société aussi bien qu'à l'égard de l'Etat) n'inclurait-elle pas dans les choix qui lui donnent sa cohérence et ses justifications un souci du devenir de ses étudiants, dont il est exclu (malgré les nostalgies et le narcissisme des uns ou des autres) qu'il puisse désormais, avec 800 000 étudiants dans les premiers cycles, reproduire à l'identique ce qu'a été la trajectoire de leurs maîtres ou des maîtres de leurs maîtres ?


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