• La masterisation expliquée en trois points

    Un des points de crispation du mouvement universitaire concerne la “mastérisation”. Un mot un peu barbare qui désigne la réforme de la formation des professeurs, de la maternelle à la terminale. Elise Mignot, maître de conférences en anglais à Paris IV, a accepté de me retrouver ce matin pour décrypter les nouvelles modalités de cette formation.

    1 - La réforme du concours, indépendante de la mastérisation. A l’heure actuelle, la préparation du concours de professeur des écoles (CRPE) ou de professeur du secondaire (Capes) se prépare après après la licence (bac +4). “C’est une année très exigeante du point de vue de l’acquisition des connaissances”, selon Elise Mignot. Dans le nouveau concours du Capes, explique-t-elle, la part des connaissances disciplinaires testées sera réduite. Par exemple, en anglais, il n’y aura plus qu’un tiers à un quart des épreuves qui porteront sur l’anglais (littérature des pays anglophones, civilisation, connaissance de la grammaire…). A la place, les étudiants seront testés sur la “didactique”, c’est-à dire la capacité à enseigner, et sur “la connaissance du système éducatif” (qu’est-ce qu’un proviseur, qu’est-ce un CPE, etc.) A l’oral, ajoute-t-elle, il n’y aura plus d’épreuve disciplinaire. “Cela pose un problème particulier pour les langues vivantes ou pour des matières comme la musique car désormais on pourra obtenir son Capes d’anglais sans que personne ne vous ait entendu parler la langue”, souligne la maître de conf’ avant d’ajouter : “Pour nous, ça signifie une baisse du niveau. On n’envisage pas l’enseignant comme quelqu’un qui transmet un savoir mais comme quelqu’un qui vient garder les enfants. C’est choquant pour les enseignants, les enfants et les parents.”

    2 - La mastérisation désigne la création d’un master d’enseignement (bac +5), une filière spécificique dont le débouché est le concours (CRPE ou Capes). Plusieurs cas de figure se posent.

    • L’étudiant reçu au concours. Actuellement, celui qui réussit le concours passe sa cinquième année d’études à mi-temps dans une école, un collège ou un lycée. Pendant l’autre moitié du temps, il complète sa formation pratique à l’IUFM : c’est l’année en alternance. Pour Elise Mignot, c’est une année précieuse pour le futur enseignant puisqu’elle lui permet de prendre contact avec le métier, de préparer ses cours, d’avoir des retours sur son travail… Avec la réforme, cette année en alternance, qui deviendra un master 2, sera modifiée. Les modalités sont encore floues : des stages de deux mois seraient organisés et le reste du temps serait consacré à de la didactique. “Ce qui n’équivaut en rien à la formation actuelle”, selon Elise Mignot. Jusqu’à présent, l’année en alternance était rémunérée, ce qui ne sera plus le cas du master 2. “Une régression sociale” pour Elise Mignot : “Les plus modestes hésiteront à s’engager dans cette formation.” Les étudiants devront également payer leur inscription en master 2. Ils devront en outre valider leur master sinon ils perdront le bénéfice du concours. Une fois le master terminé, l’étudiant obtiendra, comme auparavant, un poste.
    • Si l’étudiant rate son concours mais obtient son master. Il pourra tout de même aller enseigner dans des écoles, collèges ou lycées comme contractuel ou vacataire. Les contrats seront de 200 heures par an ou de 10 mois. Ce type de poste existe déjà, mais selon Elise Mignot, “le but est de les généraliser, avec des enseignants moins bien formés et précaires”. “Ces mesures se feront au détriment de l’école et des enfants. On perd de vue les objectifs de transmisison du savoir et d’accès à la même éducation pour tous. A terme, ce qui est visé, c’est la suppression totale des concours nationaux, le recrutement se faisant au niveau des établissements. Cela implique également une inégalité régionale. C’est la perte d’un socle de connaissances communes qui favorise la cohésion sociale”, ajoute-t-elle.

    3 - Une question de temps. La réforme de la mastérisation devait initialement être appliquée dès la rentrée 2010. Mais jugeant qu’ils n’adhéraient pas au projet présenté et qu’il était impossible dans un temps si court de se réorganiser, des universités ont refusé de rendre au ministère leurs “maquettes”, c’est-à-dire la présentation de l’organisation du diplôme. Finalement, Xavier Darcos, le ministre de l’éducation, a laissé les concours d’enseignement en l’état pour 2010 tout en confirmant la suppression de l’année en alternance et le lien avec un master. Le problème, c’est que le master ne sera pas créé en 2010 puisque les universiatires n’ont pas rendu leurs maquettes. Pour Elise Mignot, “le ‘pseudo-recul’ de Darcos créé encore plus de confusion qu’au départ”.

    RBD ici


    Tags Tags : , , , ,