• Le Meilleur des Mondes - Julien

    Le Meilleur des Mondes

    Petit scénario de politique-fiction.


    Tout ce que vous n’avez jamais osé rêver pour l’école et l’université,
    le tandem Pécresse-Darcos l’a fait !


    2008. X. Darcos et V. Pécresse, à l'initiative de N. Sarkozy, lancent une série de réformes du modèle éducatif français. Pêle-mêle, on y retrouve, pour les mesures phare, une modification du statut de l'enseignant-chercheur universitaire, la modification de la formation des enseignants du secondaire et des maîtres d'écoles, une énième réforme des horaires et des programmes en lycée... La main sur le cœur, les ministres assurent qu'un jour meilleur est sur le point de se lever sur la génération de l'an I du sarkozysme. Qui serait inquiet, puisque toutes ces décisions ne sont « que preuves d'amour » ?

    2009. N. Sarkozy, emporté par sa générosité légendaire et après mûre réflexion et « concertation approfondie », impose une cure d'amaigrissement des organismes de recherche (CNRS et autres), au nom de la  la « médiocre » réussite de nos universités et d'un manque de transparence dans l'évaluation de nos chercheurs. La France tourne le dos à son modèle centenaire d'Education et adopte le modèle « d'avenir » : le modèle anglo-saxon.

     

    2013. Grâce à la réforme des lycées menée de main de maître par Xavier Darcos, les élèves français, tout comme leurs petits camarades anglais, perdent désormais moins de temps à étudier les matières générales comme le français, les maths ou l’histoire-géo. A l'instar des lycéens américains, on leur propose des modules passionnants pour apprendre en quelques semaines, comment gérer son budget maison, comment mieux apprécier les feuilletons de série B ou encore comment cuisiner ‘bio et light’ à la fois. Les nouveaux programmes attestent d'une vision moderne de notre société sur elle-même. Par exemple, la règle de 3, la géométrie, ainsi que le subjonctif ont été relégués aux oubliettes, de même que La Princesse de Clèves, car plus personne n'en voyait l'utilité depuis longtemps. Nos chers petits bénéficient d’heures de soutien obligatoires, certes dépourvues de tout contenu, mais qui leur permettent de tester toutes les variantes de la belote. Les parcours spécialisés, totalement labyrinthiques et opaques, permettent de s’assurer que seuls les enfants issus des classes aisées et cultivées sauront choisir l’orientation qui leur ouvrira les bonnes portes.

    Une autre pratique barbare a été supprimée : celle du redoublement. Le proviseur y a trouvé immédiatement son intérêt : l'évaluation du lycée dépendant du taux de réussite des lycéens, le financement du lycée dépendant de cette évaluation et son salaire dépendant du dit financement..... Et ne vous inquiétez pas du baccalauréat : il est officiellement délivré à tous ceux qui accèdent à la terminale et qui savent écrire leur nom !

     
    2015. La réussite est totale. Nos enseignants, de la maternelle au collège, du lycée à l'université, sont enfin devenus des précaires heureux. Les jeunes enseignants à peine formés affrontent avec le sourire une carrière parallèle de représentants de commerce. A chacun de prendre son petit cartable, son petit CV et faire du porte à porte pour trouver une place dans un établissement scolaire pendant les vacances d'été. Les plus chanceux enseigneront peut-être une matière dans laquelle ils sont compétents, sinon ils improviseront ! La plupart complètera son service en des missions de vigile afin de lutter contre la violence et la drogue au collège, ou animera des forums sur les grossesses précoces des adolescentes. L'immense majorité des enfants envoyés dans le système public ne verra jamais les murs d'une université, mais ils ne s'en offusquent pas puisqu'ils font ainsi l'économie des frais d'inscriptions et d'un prêt coûteux sur quinze ans. Quelle chance pour eux et quel service rendu au pays d'arrêter si tôt leurs études ! D'ailleurs, si l'idée loufoque leur venait d'y rentrer quand même, ils y seraient surpris de voir leurs enseignants constamment affairés à écrire des dossiers de demande de financement auprès de l'ANR (Agence Nationale de Recherche) ou de redécouper leurs articles afin d'augmenter le nombre de leurs publications.  Heureusement, ces professeurs sont aussi épaulés par une armée de petites fourmis, les jeunes chercheurs en situation précaire, qui acceptent sans broncher de dormir dans les salles de cours, faute de pouvoir s'offrir un hébergement décent. Voilà une formidable façon de donner un peu de vie au campus et puis la passion justifie tous les sacrifices, pourquoi protesteraient-ils ? 

    Et surtout que l’on se rassure : il reste encore quelques étudiants qui, grâce à des parents méritants protégés par le bouclier fiscal, peuvent payer entre 4 000 et 15 000 euros leur inscription à l’université sans avoir à s'endetter ! Enfin admis dans l’un des très rares pôles d’excellence qui ont éclipsé la plupart des universités, ceux-ci sont certains de transformer les efforts financiers de leur famille mieux qu'en un diplôme, en un parchemin. Car quel président d’université serait assez bête pour refuser de délivrer leurs diplômes à ceux-là même qui participent si généreusement au financement de son établissement ?

     

    Bien sûr, il y a encore d’irréductibles Gaulois, pardon d' « immobiles » Gaulois, pour se plaindre d'une prétendue baisse du niveau et de la qualité de la formation, d'une disparité sociale inquiétante à l'école, d'une disparition progressive de la France dans les colloques internationaux et les grandes avancées scientifiques. Mais à ce stade, qui se soucie encore des progrès de la recherche ? La gestion des ressources humaines est un domaine tellement plus excitant comme vous le confirmera le VRP des temps modernes, le président de l'université. Cet hyper-président a décrété du jour au lendemain la fermeture de toutes les départements de philosophie, d'ethnologie et de linguistique de « son » université. Grâce à toutes ces mesures courageuses, les dépenses de « fonctionnement » ont drastiquement diminué. Le temps où l'Education pouvait être comptabilisée comme « dépense d'investissement » est, Dieu merci, définitivement révolu.


    Qu'on se le dise, l'Education est un coût pour la nation, c'est l'ignorance qui est un investissement !

     

     

    Enseignants chercheurs à l'université, Isabelle Privat et Julien Keller ont travaillé en Angleterre et aux Etats-Unis et continuent à collaborer avec des chercheurs de ces deux pays.




     

    Discours de V. Pécresse du 10/02/09 à l'assemblée nationale. « Il n’y a pas d’amour sans preuves d’amour et des preuves à la communauté universitaire , nous en donnons tous les jours. »

    « De nombreux sujets vont faire l’objet dans les semaines qui viennent d’une concertation approfondie.», N. Sarkozy discours du 18/02/09.


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