• Le regard de Stéphane Hirschi, professeur à l'université de Valenciennes - Voix du Nord

    Sos Molière!

    Nous sommes gouvernés à court terme. Au lieu du long terme, on ne soigne que les symptômes : comme des Diafoirus acharnés à des saignées, nos politiques ne traitent que nos souffrances matérielles individualistes. Quand va-t-on s'atteler à définir une vision collective partagée, qui dessine un sens et un horizon pour nos trente prochaines années ? Alors seulement, viendrait le temps des potions.

    Au lieu de suivre une boussole, les Précieux (amateurs d'objets de prix) qui nous gouvernent, ballottés au seul rythme des Impromptus de l'information, ne proposent que des réactions. Souvent en coups de bâton. Bienvenue chez Scapin! On cajole les uns ?

    Mais les autres à la niche, femmes ou sociétés savantes, mandarins ou enseignants, tous ces récents cocus magnifiques.

    Ainsi, l'université. On stigmatise les problèmes que posent bloqueurs ou tenue d'examens. Mais c'est oublier un peu vite que la valeur des examens à venir dépend surtout de ce qu'on pourra encore enseigner. Or, c'est le contrat de confiance entre la société et ses universitaires qui est mis en cause. Si les enseignants-chercheurs de tous bords politiques sont, sous diverses formes, restés mobilisés si longtemps, c'est qu'à leurs yeux se jouent des valeurs dépassant notre présent immédiat : la production scientifique et les capacités critiques de la France dans les décennies à venir. Comme pour les hôpitaux, les règles de gouvernance managériales, pertinentes dans les domaines de la production, ne le sont plus à l'université : temps et implication personnelle ne s'y évaluent pas qu'en quantificateurs chiffrés !

    La culture, ça prend du temps. On sème, et tout ne pousse pas toujours. Il y a du gel, de la grêle, des sols difficiles, des sécheresses. L'accord est unanime sur le développement durable pour nos terres. Mais attention à ne pas répandre d'OGM dans les universités. Couper du maïs transgénique, bloquer des cours, on peut discuter des méthodes. Mais les enjeux se mesurent en temps longs : défendre un savoir critique, partagé et non vendu, au lieu des cassettes préenregistrées de nos fâcheux avares. Mettre en commun plutôt que communiquer : un gaspillage ?

    Les Don Juan du pouvoir flattent nos faiblesses. La France n'est pas un malade imaginaire, mais souffre de Tartuffes, de Bourgeois qui se croient gentilshommes, et des Fourberies de qui vous voulez.

    Au lieu d'ordre moral, je rêve d'un moraliste, misanthrope exigeant, dénonçant le culte de l'instantané : un contemporain de cette Princesse de Clèves devenue symbole de la résistance humaniste, une langue bien pendue qu'on écoute encore dans le monde entier. Au secours, Molière !

    Source: http://www.lavoixdunord.fr/actualite/Dossiers/De-Vous-a-Nous/articles/2009/05/28/article_sos-moliere.shtml 


    Tags Tags : , , , ,