• LRU : 3000 SIGNATURES POUR RECRUTER 3 UNIVERSITAIRES - Sciences²

    A bon motif, mauvaise solution. C'est ce qui ressort de l'exemple de recrutement d'universitaires selon les  modalités LRU relaté ci dessous. Il concerne l'université de Paris-Ouest P-10 Nanterre) et le recrutement de trois universitaires en économie.

    D'après l'auteur de ce texte, Eve Caroli Professeur d'Economie à l'Université Paris Ouest, Membre de l'Institut Universitaire de France et qui parle d'expérience puisqu'elle est (ex-)Présidente de comité de sélection, respecter la loi signifie se plier à une inflation bureaucratique absurde sans aucun effet positif sur la qualité des procédures de recrutement.

    Voici ce texte.

    Les recrutements à l'université à l'heure de la loi LRU : Incompétence bureaucratique ou intention de nuire ?

    La loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU), adoptée par le parlement en août 2007 a, outre des mesures relatives à l'autonomie des universités, introduit de nouvelles règles concernant le recrutement des enseignants-chercheurs. Elle a en particulier mis en place des comités de sélection chargés de ces recrutements qui ont vu le jour, à grande échelle, pour la première fois au printemps 2009. La conception et les règles régissant le travail de ces comités s'annonçaient déraisonnables : elles se sont révélées absurdes et délétères pour le service public.

    La règle ministérielle impose, tout d'abord, une parité stricte entre membres de l'université qui recrute et universitaires extérieurs à cette université au sein de ces comités, tout en excluant l'existence de suppléants. Concrètement, cela impose deconstituer le comité, non en fonction des spécialités ou compétences des membres pressentis, mais essentiellement en fonction de leur agenda. En effet, il est indispensable qu'au moment de la constitution du comité, son président ait l'assurance que tous les membres pressentis pourront être présents au jour et à l'heure prévus pour la réunion. En l'absence de suppléants, tout membre extérieur absent oblige en effet un interne à se retirer du fait de l'exigence de parité. Même une fois prises de telles précautions, les mauvaises surprises ne sont pas à exclure, les collègues extérieurs étant susceptibles d'être empêchés au dernier moment. Cela peut bien évidemment être interprété comme un signe d'indélicatesse de leur part, voire comme la preuve du manque d'investissement des universitaires dans leur travail, mais l'expérience a prouvé que même les ministres de la République ne sont pas à l'abri d'un accouchement…

    Une remarque supplémentaire s'impose quant à la constitution des comités de sélection. A-ton jamais vu une université américaine, anglaise, japonaise, européenne ou autre, une seule entreprise du secteur privé ou public confier le recrutement de ses cadres à un comité composé pour moitié d'extérieurs ? Il est fort louable de souhaiter accroître l'efficacité des processus de recrutement au sein des universités. Il est regrettable de chercher à le faire en imposant des règles stupides. Les universités de tous les pays, et au sein de ces universités les départements, revendiquent une politique scientifique. Celle-ci consiste en des choix raisonnés concernant les disciplines et, au-delà, les thématiques à privilégier en fonction de la position de l'université dans le paysage académique régional, national, voire européen. Les recrutements d'enseignants-chercheurs sont l'un des outils de cette politique, et non le moindre. Au nom de quelle rationalité, ces recrutements devraient-il être décidés par des collègues d'autres universités qui, pour bien intentionnés qu'ils soient, peuvent, au mieux prendre acte des besoins et des choix faits localement ? Si l'objectif est d'accroître l'efficacité du système de recrutement dans les universités, ce qui est encore une fois louable, mieux vaudrait juger des recrutements en question, et au-delà, de la politique scientifique des universités, aux résultats qu'ils produisent en termes d'enseignement et de recherche qu'imposer des règles qui feraient bondir tout responsable public ou privé, en France comme à l'étranger.

    La suite ici: http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2009/06/lru-3000-signatures-pour-recruter-3-universitaires.html 


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