• Quand les banques siphonnent les crédits d’impôts pour la recherche - Médiapart

    par Martine Orange

    « C’est le dispositif le plus ambitieux pour la recherche dans le monde. Bien sûr cela coûte cher mais cela pourrait coûter encore plus cher, qu’il ne faudrait pas hésiter. Car il permet de soutenir la recherche en France », insistait Nicolas Sarkozy au printemps. A sa suite, Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, défendait devant les sénateurs le crédit impôt recherche (CIR) comme « l’outil le plus efficace pour renforcer la recherche privée ».

    La cause de toute façon est entendue auprès des parlementaires. Même si le dispositif représente « un coût considérable » pour le budget de l’Etat – 3,5 milliards d’euros en 2009, selon les estimations, sans compter les remboursements anticipés des années antérieures – il devrait être reconduit sans discussion lors du débat sur le projet de loi de finances 2010. La plupart des parlementaires estiment que le mécanisme est un des leviers les plus simples et les plus efficaces pour soutenir la recherche. « Surtout dans les PME », rajoute-t-on en chœur.

    Est-ce si sûr ? Aucun bilan n’existe depuis que la loi, revue en 2008, permet à toutes les entreprises de bénéficier d’un crédit d’impôt de 30% sur l’ensemble de leurs dépenses de recherche et de développement dans la limite de 100 millions d’euros. Mais le dernier état des lieux sur le crédit impôt recherche établi en juillet 2009 par Gilles Carrez, rapporteur à la commission des finances de l’Assemblée nationale soulève déjà bien des questions.

    Le rapport examine les dépenses réalisées entre 2004 et 2008, période où déjà le dispositif avait été révisé. Alors qu’auparavant l’Etat n’accordait un crédit d’impôt que pour les dépenses nouvelles de recherche, à partir de 2004, plusieurs réformes ont été adoptées, supprimant d’abord l’obligation de réaliser les dépenses en France, puis prenant en compte l’ensemble des dépenses de recherche et non plus leur accroissement, dans une proportion de 10% limitée à 16 millions d’euros. Ces changements ont déjà amené un renchérissement notable du dispositif : de 430 millions d’euros en 2004, la dépense fiscale est passée à 1, 6 milliard d’euros en 2008.

    Tout pour les services

    Contrairement aux attentes et aux buts projetés, ce n’est pas l’industrie mais les services qui sont les premiers destinataires du crédit impôt recherche. « Le secteur des services avec 1.174 millions d’euros en 2007, représente près des deux tiers des créances », note le rapport à partir des données transmises par le ministère de la recherche qu’il juge « riche d’enseignements ». La tertiarisation de l’économie française explique sans doute en partie ces chiffres. Mais est-ce la seule explication ? Le rapport ne va pas plus loin dans l’analyse. Contacté pour avoir plus d’explications, Gilles Carrez n’a pas répondu à nos appels.

    Dommage car la suite est encore plus surprenante. Quel est le secteur qui a le plus profité du crédit impôt recherche réformé, selon le rapport parlementaire ? Les services bancaires et les assurances ! En 2007, il s’est trouvé 930 établissements bancaires et financiers, bénéficiaires du crédit impôt recherche. A lui seul, ce secteur a obtenu 312 millions d’euros de crédit d’impôt recherche, soit 18% du total. L’année précédente, leurs créances s’élevaient à peine à 11 millions d’euros.

    Par comparaison, les secteurs comme la recherche , la pharmacie et les services de télécommunications ont reçu moins de 200 millions d’euros ensemble. On ne parle pas des vieux secteurs industriels comme la mécanique, le textile ou le transport, qui ont bénéficié à peine de 50 millions d’euros à eux trois. (Voir la répartition par secteur dans le document joint).

    Sur quelles bases les banques peuvent-elles se trouver dans un tel dispositif de soutien à la recherche ? Pour arrêter le cadre des dépenses pouvant donner lieu à crédit d’impôt, le gouvernement s’est référé à la liste élaborée par l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) . L’organisme y inclut les dépenses de recherche liées aux logiciels, aux modélisations mathématiques liées aux produits financiers et autres. En un mot, tout ce qui a fait les délices puis les déboires de la finance actuelle.

    La suite ici: http://www.mediapart.fr/journal/economie/051009/quand-les-banques-siphonnent-les-credits-d-impots-pour-la-recherche

    ou  http://www.sauvonsluniversite.com/spip.php?article2999


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