Blog de Luc Cédelle
Quel que soit l’interlocuteur, à la seule condition qu’il ne soit pas en service commandé et dans les tout premiers cercles gouvernementaux, l’entrée en vigueur en septembre 2010 de la réforme de la formation initiale des enseignants mène à une série d’interrogations sur sa viabilité. « Catastrophisme, dont les milieux de l’éducation sont coutumiers », comme le suggère l’entourage du ministre de l’éducation ? La dramatisation est certes un réflexe bien ancré dans l’éducation nationale, mais il est rare qu’elle rencontre autant de constance et pareille unanimité.
Depuis la parution le 29 juillet 2009 des décrets mettant en place cette réforme, les deux ministères impliqués (ceux de l’éducation et de l’enseignement supérieur) ne cessent de rechercher des solutions destinées à compenser certains de ses effets prévisibles. Mais à chaque fois qu’un problème paraît en voie de règlement, un autre surgit. Le dispositif pour septembre n’étant toujours pas stabilisé, l’administration s’inquiète, tandis que les contestations continuent de s’accumuler.
Après une nouvelle série de rencontres début février avec les syndicats d’enseignants, le cabinet de Luc Chatel, ministre de l’éducation, a adressé le jeudi 25 février aux recteurs et inspecteurs d’académie une circulaire dite « de cadrage » sur l’organisation de la première année scolaire des nouveaux enseignants nommés à la rentrée 2010.
Ce texte marque une étape supplémentaire dans la réforme. Cependant, il continue de laisser dans l’ombre ou dans le flou les problèmes d’organisation les plus aigus, dont le règlement est confié aux rectorats. C’est même là, d’une certaine façon, sa principale caractéristique : le renvoi vers l’échelon des académies, précédant peut-être le renvoi par celles-ci vers les établissements d’enseignement, d’une série de décisions d’organisation que le ministère ne parvient pas à arrêter au niveau national.
Les pièces du puzzle
L’enseignement s’apprend-il principalement « sur le tas » ou bien une formation professionnelle liant théorie et pratique est-elle indispensable ? En décidant de reléguer la formation professionnelle au second plan tout en reconnaissant la nécessité d’une préparation minimale, le gouvernement a déclenché une cascade de problèmes dont la solution ne cesse de se dérober. Le pire, du point de vue de ses répercussions possibles sur l’opinion publique, est la perspective d’aggraver les insuffisances du remplacement des professeurs absents, alliée à celle de projeter dans les classes, pour des périodes de pleine responsabilité, de jeunes étudiants dépourvus de toute formation.
A mesure que s’approche, pour cette réforme, l’épreuve du terrain, les syndicats d’enseignants tentent à la fois de mobiliser leurs adhérents et d’alerter les familles sur ses conséquences possibles. Ils ont beaucoup de mal, notamment parce que cette réforme est aussi malaisée à contester qu’à expliquer : non seulement elle vient modifier un dispositif de formation des enseignants qui était déjà fort complexe et très jargonnant, mais elle n’a cessé d’évoluer au fil des mois, à chaque fois sur des points tellement techniques que seuls les négociateurs et les acteurs directs du dossier s’y retrouvent, au prix de mises à jour successives. Comme pour ajouter à cette incommunicabilité, cette réforme ne concerne pas la seule éducation nationale. Son impact est important sur l’université, où sont apparues les protestations les plus vives. Cerise sur le gâteau : ses opposants s’y opposent pour des raisons parfois opposées…
Je vais tenter ici, dans une série de billets, de rassembler toutes les pièces du puzzle.
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http://education.blog.lemonde.fr/2010/03/04/formation-des-enseignants-les-mysteres-de-la-masterisation-1-dune-pierre-trois-coups/