L''édition 2009 du désormais célèbre classement de Shanghaï est disponible depuis quelques jours. Comme chaque année, elle suscite de nombreux commentaires et réactions. En France, on se désole tout particulièrement de la faible performance de nos universités comparée aux grandes universités américaines ou britanniques. Mais quel crédit faut-il accorder à ce classement ? Après tout, nous sommes habitués à voir paraître régulièrement des classements des villes où il fait "le mieux vivre", des "meilleurs vins", des voitures les plus performantes, etc. Confrontés à de tels classements, on est partagés entre une légitime curiosité et un sentiment de malaise. Existe-t-il en effet une manière claire de définir la ville où il fait "le mieux vivre" indépendamment de l'âge, la situation familiale, les revenus, la culture de la personne à qui l'on s'adresse ? La question de la "meilleure université" au monde nous semble au moins aussi problématique.
Les premières questions à se poser avant d'analyser le classement de Shanghaï sont simples mais néanmoins fondamentales : "A qui ce classement est-il destiné ?", "A quoi ce classement doit-il et peut-il servir ?". A ignorer ces questions, on risque fort de prendre ce classement comme une "vérité" qui pourrait servir de base à des propositions d'actions, voire de réformes. Mais on a le droit de penser qu'un étudiant choisissant une université pour y effectuer un échange semestriel de type Erasmus, un chercheur en médecine désirant intégrer un groupe de recherche dynamique, un recruteur à l'affût de futurs cadres à haut potentiel, ou un ministre évaluant l'efficacité d'un système national d'enseignement supérieur n'utiliseront pas, ou plutôt ne devraient pas utiliser, les mêmes critères.
Le classement de Shanghaï semble offrir une réponse universelle à une question mal définie et qui n'a été posée par personne. Il ne dit pas à qui il s'adresse ni à quoi il peut servir. Dès lors, il suscite une aura mystérieuse qui n'est méritée en aucune façon. En dehors de la difficulté que nous venons de mentionner, ce classement souffre en plus de trois problèmes majeurs.
Tout d'abord, les entités évaluées ne sont pas définies de manière précise. Dans beaucoup de pays européens, l'organisation de l'enseignement supérieur est tributaire d'une longue histoire et l'organisation qui en résulte est complexe : on y trouve des universités mais aussi des grandes écoles et des organismes de recherche. Dans un tel contexte, ce qui doit compter comme une "université" ne s'impose pas de manière évidente et demande une connaissance fine du paysage institutionnel : le Collège de France, institution prestigieuse mais qui ne délivre aucun diplôme et n'a aucun étudiant, figurait dans les classements de Shanghaï de 2003 à 2005. De plus, nos institutions d'enseignement supérieur ont subi de nombreuses modifications au cours de leur histoire.
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