Le 20 octobre, à l'occasion des 70 ans du CNRS, La Tribune publie un point de vue de Valérie Pécresse, intitulé « Un CNRS ouvert et stratège pour le XXIème siècle ». D'emblée, la ministre écrit : « En s'affirmant comme une agence de moyens, le CNRS sera de plus en plus stratège... », se référant à la mise en place de nouveaux projets. Mais la réalité est que le contrat d'objectifs 2009-2013 signé hier entre le CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique) et l'Etat enlève au CNRS le rôle de réalisateur de la recherche dans la plupart des domaines scientifiques, et va jusqu'à planifier un véritable programme de licenciements par le « suivi des difficultés professionnelles » exposé page 43 de contrat. Ce « suivi » par des « services des ressources humaines » des délégations régionales prévoit des « sorties d'alerte » au contenu non spécifié, mais qui font penser à la machine de « réorientation professionnelle » introduite par la loi dite « relative à la mobilité et aux parcours professionels dans la fonction publique » récemmet promulguée. Le CNRS semble même avoir pris les devants par rapport à la stratégie définie dans cette nouvelle loi. Force est de constater que la cible privilégiée de cette opération de démantèlement de la recherche publique sont les corps de chercheurs, alors que le CNRS compte environ 11.600 chercheurs et 14.400 ITA (ingénieurs - techniciens -administratifs). Il s'agirait donc de supprimer d'abord au sein du CNRS les activités de recherche originales, l'établissement devant devenir une sorte de prestataire de services avant de disparaître définitivement dans quelques années. Quant aux activités de financement de programmes de recherche, il paraît évident que le CNRS devra laisser la place à l'ANR (Agence Nationale de la Recherche) et aux institutions européennes qui inévitablement émergeront dans le cadre de l'application du Traité de Lisbonne.
Quoi qu'en dise la propagande gouvernementale, peut-on sérieusement croire que cette attaque contre les corps de chercheurs titulaires, explicitement incorporée dans le contrat d'objectifs quadriennal du CNRS, représente autre chose que l'expression d'une liquidation accélérée des organismes publics de recherche français ?
Le 70ème anniversaire du CNRS devrait être l'occasion de dresser un bilan des méthodes de « gestion » qui se sont récemment installées, et continuent à se développer, au sein de l'établissement. Au service de quelle stratégie ?
On assiste de toute évidence à un tournant historique, par l'introduction à une large échelle de pratiques « managériales » sans précédent. Voir nos articles du 11 octobre et du 18 octobre.
Les nouvelles méthodes « managériales » visent les personnels titulaires (les contractuels étant autrement plus vulnérables) et, apparemment, les chercheurs avant tout. L'inclusion explicite d'un dispositif de « suivi des difficultés professionnelles » dans un contrat d'objectifs entre le CNRS et l'Etat est fort parlante.
Pire, ces « suivis » sont effectués par des « services des ressources humaines ». Apparemment aucune conséquence n'a été tirée de la catastrophe de France Télécom.
A ce sujet, un collègue syndiqué vient de nous envoyer une message dont voici un extrait :
« Je pense que ce dispositif d'alerte est en effet une francetélécomisation de la recherche. Et c'est un des combats les plus importants à mener. Il se passe la même chose à l'université, d'une manière cachée (grâce à la contractualisation des labos dans les facs, on vire des tas de gens).