Grèves, contestations, désobéissance. En psychiatrie et dans les hôpitaux, dans la recherche et l'enseignement, dans l'éducation...
Sur fond de crise durable, les mouvements de dissidence se multiplient contre les politiques économiques, sociales et institutionnelles actuelles. Est-ce la réponse d'un corps social blessé ? C'est la question que ce numéro de Chimères ne traite pas. Plutôt que de s'inscrire dans une lecture victimaire, ce numéro rassemble des articles et des témoignages qui analysent les processus contradictoires en jeu dans le démontage et la réédification d'institutions diverses. Les mécanismes d'assujettissement se sont-ils transformés ? Comment se réinventent des pratiques de terrain ? Comment sont créés ou détournés les dispositifs ? Comment penser et préparer des lignes de fuite à travers et hors des cadres institutionnels ?
La proposition de ce numéro ? Rassembler les créativités des uns et des autres pour qu'elles essaiment.
Alain Brossat/ Jacob Rogozinski, La grève universitaire : une ronde plus qu'une révolution
Jean-Louis Déotte, Quel sens peut avoir la lutte d'universitaires ?
Comité 227, ApPEL A gATEaU ET à lA PiOchE
Extrait d'un entretien avec Alain Brossat et Jacob Rogozinski autour du mouvement de grève universitaire – Mai 2009. Mathilde Girard et Elias Jabre pour Chimères
Le mouvement actuel des grèves étudiantes, et le déplacement des formes d'action par rapport aux nouvelles formes de pouvoir
Mathilde Girard : L'idée de cet entretien nous est venue avec Alain Brossat suite à une discussion que nous avons eue récemment sur le mouvement des grèves à l'Université ; en ce qui me concerne, bien qu'étant doctorante, je n'ai pas pris part au mouvement, d'abord parce que je travaille par ailleurs et parce qu'il est toujours complexe de prendre part à un tel événement sans y être tout à fait présent. Au cours de la discussion, il m'a semblé qu'il y avait beaucoup de choses à dire sur l'analyse de cette séquence, et sur les échos qu'elle pouvait trouver auprès d'autres situations et questions politiques actuelles. Suite à cela, Alain m'a transmis votre texte et j'ai souhaité vous proposer une situation d'échange, dans le cadre de notre prochain numéro de Chimères sur les rapports entre institution et utopie, et sur les initiatives politiques qui cherchent des formes d'action déplacées par rapport aux formes usuelles. Avant d'engager l'échange plus directement sur le mouvement, peut-être pourriez-vous nous dire un mot sur le moment dans lequel l'événement s'est placé à Paris VIII ?
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Quel sens peut avoir la lutte d'universitaires ? Voir aussi : http://inter-seminaire.org/ : "A l'occasion des mouvements de ces dernières années nous avons expérimenté des formes de recherche et de relation au savoir en résistance aux modèles dominants qui tendent à s'imposer. Indépendamment de la réussite ou de l'échec des différentes séquences de lutte passées ou à venir, l'autonomisation de ces pratiques tant par rapport aux pressions économiques que par rapport aux cadres universitaires classiques - ouvrent sur un champ à explorer. S'y est fait jour, grâce au temps de la grève, l'intensité proprement politique du rapport entre la théorie et la pratique.
Cet "inter-séminaire" a pour vocation de faire résonner entre elles ces expériences (groupes de réflexion et de recherche ouverts, mises en pratique de l'université expérimentale, séminaires de grève autogérés, etc.) afin qu'elles s'enrichissent mutuellement et qu'elles puissent mettre en commun des réflexions et des réalisations."
Extrait de l'article paru dans la revue papier
"(...) Le dérisoire de l'affaire, c'est que nos départements de sciences humaines n'ont plus grand rapport avec ces lieux mythiques que furent Vincennes ou le Collège International de Philosophie. Sarkozy a comme modèle Thatcher, mais il arrive trop tard. L'anachronisme est patent, la « dame de fer » a conquis sa réputation en s'attaquant aux syndicats d'une industrie déclinante (les mines), aujourd'hui il est totalement contre-productif pour l'économie capitaliste, pour laquelle le savoir a une valeur marchande, de détruire les lieux de production de cette valeur. A quand un Ministère chargé de l'exportation des sciences humaines ?
La transformation du savoir universitaire en valeur marchande avait fort bien été décrite par La Condition postmoderne de Lyotard (1979), petit ouvrage fort excitant qui n'était autre que le résultat d'une commande du CNRS canadien. Il était inévitable alors que les universités deviennent des sortes de supermarchés des connaissances et des savoir-faire. Cette fragmentation des sciences humaines en particulier (la diversification indéfinie des studies) ne pourrait être endiguée que par la refondation d'une véritable Science sur un socle ontologique. Mais c'est une fiction théorique. Que Benjamin dénonçait déjà dans son texte de jeunesse sur La vie étudiante.
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http://www.fabula.org/actualites/article33573.php