L'agenda de la grève à la Sorbonne : conférences, actions, évènements
Comme l'a rappelé il y a peu la Ministre de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, "il n'y a pas d'innovation sans esprit critique" (discours prononcé lors de l'installation du Conseil pour le développement des humanités et des sciences sociales, le 2 septembre 2009). Avouons sans fausse honte qu'il peut nous arriver d'être d'accord avec Valérie Pécresse et reconnaissons que nous souscrivons à ce propos. Et même que nous souhaitons prendre au mot la Ministre. Puisqu'elle se propose, avec son collègue Luc Chatel, Ministre de l'Éducation Nationale, d'"améliorer la formation des maîtres" (Le Monde, 18 novembre 2009), appliquons notre esprit critique à cette innovation. Pour cela, confrontons les déclarations énoncées dans le texte de cette tribune et le document remis aux organisations syndicales le vendredi 13 novembre.
Les ministres affirment que "la mastérisation est d’abord une chance pour les enseignants et leurs élèves". Leur argumentation repose sur un présupposé qu'ils énoncent. Auparavant, "L’apprentissage disciplinaire et la formation professionnelle restaient […] cloisonnés", une année de préparation au concours, une année devant une classe avec une formation complémentaire "d'enseignement pédagogique". Or, le cloisonnement qui est postulé est absurde. Car aujourd'hui, la préparation au concours est un élément de la formation des enseignants, tout en étant un moyen de recrutement. Il est de ce fait absurde d'affirmer qu'aujourd'hui les universités sont écartées "de la préparation de nos futurs enseignants". En passant presque sous silence le concours, les ministres semblent considérer que cet héritage républicain n'en a plus pour longtemps. En outre, l'année de fonctionnaire stagiaire qui suit la réussite au concours ne se réduit pas à la formation professionnelle. Elle comporte des éléments disciplinaires, ne serait-ce qu'en raison d'une évidence, la formation à la didactique est indispensable pour "savoir transmettre". Mais il est vrai que le texte ne dit rien des IUFM et se contente de considérer qu'un enseignant se forme "au contact des élèves, bien sûr, mais aussi de collègues plus expérimentés".
Dès lors, le projet présenté aux organisations syndicales présente une forte cohérence avec le texte de la tribune. Premier élément et non des moindre, "Les programmes scolaires devront constituer l'univers de référence des savoirs évalués. Les programmes des concours traduiront de manière adaptée cet objectif" (p. 5). Ce principe change la nature des concours de recrutement. Jusqu'à aujourd'hui, il s'agit d'une évaluation de savoirs universitaires, d'une maîtrise disciplinaire qui ne réduit pas aux connaissances à enseigner. Les futurs enseignants disposent ainsi de connaissances en lien avec la recherche. Ce changement radical implique que désormais les enseignements universitaires se réduisent aux programmes scolaires, ce qui met en péril le nécessaire changement de ces derniers en fonction des évolutions scientifiques. Les deux ministres ne s'en cachent du reste pas. À propos des futurs étudiants-stagiaires, ils écrivent : "Leur formation disciplinaire se nourrira de l’expérience acquise dans les classes". Désormais, toute la formation se réduit aux impératifs de la classe : "Quant aux enseignements de nature pédagogique, ils seront désormais ancrés dans la réalité du terrain".
Mais, un lecteur attentif du document distribué aux organisations syndicales objectera que l'année de M1 sera "à dominante disciplinaire" (p. 11) et que "les masters ne doivent pas être construits en fonction des épreuves des concours" (p. 9). Que signifie alors le principe de "masters ‘disciplinaires’ adaptés aux concours du second degré" (p. 10) ? Acceptons de mettre de côté une impression tenace de lire un tissu de contradictions et essayons de comprendre. La première année sera donc disciplinaire tout en commençant la formation au métier par des stages (c'est la fin du cloisonnement évoqué ci-dessus) et les modules complémentaires de "culture générale et d'histoire de la discipline". Bref, de simples raisons pratiques amènent à considérer que cette année de M1 n'aura de disciplinaire et de scientifique que le nom car les volumes horaires considérés ne permettront pas de dispenser un enseignement universitaire digne de ce nom. Que les nostalgiques du mémoire de maîtrise ne voient pas là un moyen de le réintroduire! Quel étudiant aura le temps de tout faire et, surtout, de se former réellement au métier qu'il entend exercer ?