• Absurdité et hypocrisie à l'université - Trois questions à Yves Lichtenberger, signataire du Manifeste "Refonder l'université française

    Le Nouvel Observateur. - Le Manifeste, signé par des universitaires de tous bords, semble enfoncer certaines portes ouvertes. Vous dénoncez par exemple un enseignement supérieur à deux vitesses ! Mais tout le monde le déplore.

     

    Yves Lichtenberger. - Sans doute, mais il faut le redire. On est dans un modèle absurde : la recherche est dans les universités, et les meilleurs étudiants en sont détournés, qui vont dans les grandes écoles. Mais je reconnais que ce modèle a commencé à évoluer, notamment dans le cadre des PRES, ces nouveaux instruments de coopération entre les grandes écoles et les universités.

     

    N.O. - Vous brisez aussi des tabous : vous osez parler de sélection à l'entrée de l'université ?

     

    Y. Lichtenberger. - La situation actuelle est d'une parfaite hypocrisie. On prétend que n'importe quel bac permet de s'inscrire dans n'importe quelle filière. Cela conduit à un gros gâchis. Nous réaffirmons le principe du libre accès à l'université au niveau de la licence, mais nous disons qu'il faut adapter les filières aux étudiants, et proposer à certains d'entre eux de faire la première année en deux ans.

    En revanche, il faut imposer une sélection dès l'entrée en master, au lieu de la faire en deuxième année. Actuellement, les étudiants qui échouent à entrer en deuxième année de master ont perdu un an. Sur le marché du travail, ils ne gagnent pas plus que ceux qui n'ont qu'une licence. Leur maîtrise ne vaut rien.

     

    N.O. - Vous réclamez des contre-pouvoirs face au président d'université. Mais c'est un personnage élu par ses pairs, qui décide avec ses conseils où siègent des universitaires.  Pourquoi cette défiance ?

     

    Y. Lichtenberber. -  Je ne dirais pas défiance, mais plutôt participation. L'université est devenu le lieu de décision. Pendant les 4 ans où il est élu, le président a le pouvoir de définir une stratégie. C'est l'esprit de la loi LRU et nous y souscrivons. Mais il faut créer des dispositifs pour que le président discute avec la collectivité des enseignants, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Maintenant que l'établissement existe, il faut en tirer les conséquences en le faisant vivre.

     Propos recueillis par Caroline Brizard

    (1) Yves Lichtenberger est professeur de sociologie à l'Université Paris-Est. Il a été Président de l'Université de Marne-la-Vallée de 2002 à 2007.


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