• «La désobéissance n’est pas compatible avec les valeurs de l’éducation, avec l’idée que je me fais du métier d’enseignant», a déclaré récemment Luc Chatel. Cette déclaration, qui a l’apparence de l’évidence, mérite réflexion.


     
    Certes, l’obéissance aux lois et aux règles qui fondent le droit et la justice est nécessaire dans toute société démocratique. Et nous avons à cœur, tout particulièrement à l’école primaire, d’élaborer avec nos élèves des lois et des règles, justes, équitables et utiles au vivre ensemble. Apprendre à nos élèves à les respecter s’inscrit dans un projet éducatif qui prend en compte la dimension relationnelle inhérente à toute situation d’enseignement. Mais vouloir «inculquer» l’obéissance, c’est rendre acceptable la soumission inconditionnelle, c’est inciter à renoncer à tout jugement personnel. Est-ce compatible avec la formation d’individus responsables ? Nous ne le pensons pas.

     
    Comment apprendre aux enfants à dire «non» lors de situations de racket, ou lorsqu’ils font face à des intentions malveillantes d’adultes, s’ils grandissent dans une culture de l’obéissance sans discernement ?

     
    Il semble en réalité que M. Chatel confonde deux notions qu’il convient de distinguer : l’autorité, nécessaire à tout enseignement et l’autoritarisme, abus de pouvoir contraire au principe même de l’éducation. A l’école, l’autorité éducative est fondée sur une parole et une attitude du maître, respectueuses de l’élève, qui doivent notamment lui faire comprendre le bien fondé de l’obéissance aux règles de vie communes. Elle est une alternative à la permissivité et à l’autoritarisme. Cette autorité de l’adulte, nécessaire à la structuration de la personnalité de l’enfant, ne saurait donc résulter d’un rapport de domination-soumission entre l’adulte et l’enfant, qui est la marque de l’autoritarisme. Le maître qui abuse du pouvoir que lui confère son statut utilise la contrainte pour obliger l’élève à obéir. Il fait le choix de la punition (du latin punire, «se venger»), et non de la sanction éducative qui vise à responsabiliser l’enfant et lui permettre d’être accepté par le groupe.



    La suite ici: http://www.liberation.fr/societe/0101588351-enseignant-et-desobeissant 

  • Et si les universitaires prenaient l'université comme objet de réflexion… C'est en substance ce qu'un groupe d'intellectuels et d'universitaires propose aujourd'hui à la communauté d'enseignants du supérieur, à travers un "Appel des refondateurs aux collègues universitaires",publié dans Le Monde.

    Ils appellent leurs "collègues de bonne volonté à participer dès la rentrée universitaire à l'élaboration collective d'une charte de l'université qui déterminerait les principes de base sur lesquels une vaste majorité d'enseignants-chercheurs se reconnaît et sur lesquels ils ne céderont pas".

    "L'enseignement supérieur est devenu aussi important que l'école primaire. Il faut que la collectivité se saisisse de son destin", rappelle le philosophe Marcel Gauchet, l'un des tout premiers refondateurs. Le directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) estime que "loin d'être un aboutissement, la loi LRU [la loi sur la liberté et responsabilités des universités] est d'abord un point de départ à partir duquel les universitaires doivent travailler". A eux donc, à rêver l'université.

    5 000 SIGNATURES

    Ce mouvement s'est cristallisé autour de La Revue du Mauss (Mouvement anti-utilitariste en sciences sociales) et de son numéro sur l'université en crise, sorti en mai. 


    La suite ici: http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/07/09/universite-les-refondateurs-appellent-a-a-l-elaboration-collective-d-une-charte_1216900_3224.html 

  • Plinio Walder Prado est philosophe au département de philosophie de l'Université Paris 8, Vincennes - St Denis. Il vient de publier aux éditions Lignes Le Principe d'Université, un texte bref et offensif.

    Le Principe d'Université est un texte de circonstance qui s'inscrit dans un contexte, celui de l'application du "processus de Bologne" à l'Université par des réformes telles que le LMD, LRU, Mastérisation, statut des Enseignants-Chercheurs...

    Pour Plinio W. Prado la vérité de ses réformes est dans l'extension de l'usage comptable du temps à l'Université : "Ce temps consacré au questionnement et à l’écoute, de soi et de l’autre, voilà ce que tend à interdire précisément le surcroît de mobilisation générale et accélérée que le pouvoir politique, administratif et économique entend imposer aujourd’hui à tout un chacun, sur fond de compétition mondiale, enrôlant encore davantage l’existence de chacun dans la loi de l’échange marchande et de l’usage comptable du temps." Au cours de l'entretien, nous en verrons les conséquences à l'endroit même du Principe d'Université.

    Ce texte s'inscrit dans une filiation : Textes fondateurs de l'Université de Bologne (1088), de l'Université des Lumières de Berlin (1810), mais aussi dans une tradition de textes critiques à l'égard de l'université par le monde universitaire et qui donnerons naissance à l'Ecole de Franckfort, à l'Université libre de Berlin ou encore à l'Université de Vincennes.

    Le Principe d'Université s'inscrit également dans un moment d'intense publication sur le sujet : Revue Internationale des Livres et des Idées, Revue Mouvements, Revue Multitudes, Revue du Mauss, Revue Vacarme...

    Le Principe d'Université, texte en accès libre sur le site des éditions Lignes, en appelle à la désobéissance civile car "la violation des droits fondamentaux (liberté d'expression) se vérifie doublement dans le présent contexte de la « réforme » sur ladite « autonomie » des universités. Celle-ci ne s’attaque pas seulement au principe d’espace public, de discussion et de délibération à l’intérieur de l’Université, en le subordonnant aux finalités de la compétition économique et de l’impératif de rendement. Elle s’attaque à ce principe à l’échelle générale de la société aussi ― de l’ensemble des citoyens, de ladite opinion publique ―, en y organisant par tous les moyens le passage en force de sa réforme. (...) Les décideurs ont opté de concert pour le verrouillage général de l’espace public, en choisissant de soustraire à la discussion, y compris par les moyens les plus ignobles, une réforme qui manifestement ne saurait résister à une confrontation publique d’arguments."  C'est donc au "verrouillage" de l'espace public auquel nous assistons.

    La suite ici: http://www.mediapart.fr/club/blog/bout-de-souffle/050609/le-principe-d-universite-entretien-avec-plinio-walder-prado 


  • La question de l’évaluation de la recherche est au cœur du mouvement de protestation qui anime les universités et les laboratoires depuis de longs mois. Plusieurs revues lui consacrent des numéros spéciaux : au-delà du caractère massif des oppositions aux réformes, une lecture attentive révèle des divergences d’appréciation sur le rôle de l’évaluation et sur la relation entre science et société.

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    Recensés : 
    - « La fièvre de l’évaluation », numéro spécial de la Revue d’histoire moderne et contemporaine, supplément n° 55-4 bis, 2008. 
    - « L’idéologie de l’évaluation, la grande imposture », numéro spécial de Cités, n° 37, 2009. 
    - Christophe Charle, « L’évaluation des enseignants-chercheurs », Vingtième Siècle. Revue d’Histoire, n° 102, avril-juin 2009, p. 159-170. 
    - Patrick Fridenson, « La multiplication des classements », Le Mouvement Social, n° 226, janvier-mars 2009, p. 5-14.

    La question de l’évaluation a été placée, depuis quelques mois, sous les feux de l’actualité par le mouvement social qui s’oppose au décret instaurant la modulation du service des enseignants-chercheurs en fonction de leurs « performances » individuelles. Cette question s’était néanmoins déjà imposée depuis plusieurs années au cœur de la pratique quotidienne des universitaires et des chercheurs. Qu’elle se traduise par les initiatives des étudiants pour évaluer les enseignements, par l’utilisation grandissante des indices bibliométriques, par la généralisation de la pratique des appels d’offre de l’Agence nationale de la recherche (ANR), ou par les visites de l’AERES (Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur), la rapidité de l’évolution des pratiques de l’évaluation et la multiplication de ses procédures suscitent des interrogations et des inquiétudes. Celles-ci semblent s’être soudainement et violemment cristallisées à la suite de la présentation du projet de décret de réforme sur le statut des enseignants-chercheurs. La prise à bras le corps de cette question de l’évaluation par des numéros spéciaux de la Revue d’histoire moderne et contemporaine sur « la fièvre de l’évaluation », et de la revue Cités sur l’« idéologie de l’évaluation : la grande imposture », et par des articles du Mouvement Social et de la revue Vingtième Siècle, a le mérite de venir éclairer l’actualité la plus brûlante en la replaçant dans le temps plus long de l’évolution des politiques de la recherche et de l’enseignement supérieur. Le traitement approfondi de cette question par des revues de sciences humaines et sociales est d’autant plus bienvenu que les médias de grande diffusion peinent parfois à s’élever au dessus de la communication gouvernementale, des caricatures ou des préjugés, et à véritablement rendre compte des enjeux profonds du débat, comme le compte rendu du numéro spécial de Cités paru dans Le Monde le 21 mars dernier, avec son titre dédaigneux, « Chercheurs qu’on martyrise », l’illustre malheureusement. La lecture de ces numéros spéciaux montre pourtant qu’il existe, au sein même de communauté universitaire et scientifique, au-delà du rejet assez massif de la politique du gouvernement actuel, des différences de sensibilité et un véritable débat, comme l’illustrent bien les éditoriaux très contrastés qui viennent introduire les dossiers de la Revue d’histoire moderne et contemporaine et de Cités.

    L’évaluation : imposture ou véritable enjeu ?

    Dans l’éditorial de la revue Cités, Yves Charles Zarka voit l’évaluation comme un aspect des « grandes impostures de notre temps, celles qui ont été à l’origine de guerres, de la crise financière et économique gravissime que le monde connaît aujourd’hui », tandis que la Revue d’histoire moderne et contemporaine appelle les milieux de la recherche à « prendre à bras le corps […] et ne pas se laisser dessaisir de cet enjeu majeur qu’est l’évaluation ». Dans le premier cas, il s’agit aussi de dénoncer « la mise en place de dispositifs […] discrets à leur niveau, très nocifs et même pervers […]. Un système inquisitorial, qui double et surplombe les procédures existantes d’examen, d’appréciation et de jugement, continue de se mettre en place en dénonçant ceux qui, par hasard, oseraient s’y opposer comme partisans du statu quo, de l’inefficacité et du déclin ». Dans l’autre cas, il s’agit de se mobiliser pour ne pas se laisser « enfermer dans la caricature d’un milieu frileux et arbitraire, qui ne pourrait être ramené que de l’extérieur à une “loi commune” – en vérité totalement hétéronome – de l’“efficience” et de la “compétitivité” ». En schématisant, on voit bien là transparaître, au-delà des circonstances particulières qui ont présidé à la réalisation de ces deux numéros spéciaux, deux interprétations opposées quant aux relations entre les instances du pouvoir et la société. Il s’agit d’un véritable débat de fond qui traverse les sciences humaines et sociales et qui se traduit par des clivages dans la manière dont les enseignants-chercheurs envisagent leur rapport à la société. Dans un cas, l’évaluation est l’instrument d’un pouvoir qui impose ses représentations d’en haut et qu’il convient de combattre par une critique radicale – un des rôles fondamentaux de l’universitaire est alors de produire des « contre-discours » –, dans l’autre, la société civile – représentée ici par les milieux de la recherche –, est aussi productrice de pouvoir et actrice à part entière dans la formation des normes fondant les relations qui la lient au pouvoir étatique. Les origines de l’évaluation sont ainsi présentées de façon plus ou moins univoque dans les deux revues.

    La suite ici: http://www.laviedesidees.fr/L-evaluation-de-la-recherche-en.html 


  • Voici (en pdf ) la lettre de protestation envoyée par les 4 directeurs des Ecoles Normales Supérieures à Xavier Darcos, à propos des projets de décrets concernant la formation et le recrutement des enseignants.