• Les idées noires des profs chercheurs - L'Express

    De janvier à juin, ils ont manifesté, râlé. Ils retrouvent labos et amphis,avec le même sentiment, amer, d'être ignorés, maltraités ou déclassés.

    Durant près de dix ans, ils ont noirci des milliers de feuillets, ingurgité des kilos de livres en pensant à Pierre Bourdieu. Devenus, au terme d'un véritable parcours du combattant, chercheurs et/ou professeurs d'université, ils se retrouvent à 50 ans inconnus et désargentés.

    Cette nouvelle année universitaire, ils l'attaquent donc avec une morne lassitude. Et les annonces de la ministre Valérie Pécresse, qui se félicite du climat serein de la rentrée, n'y changent rien. Certes, il n'y aura pas de suppressions de postes en 2010 ni en 2011, les salaires des maîtres de conférences sont revalorisés, des primes d'excellence scientifique seront attribuées, le budget de l'enseignement supérieur est à la hausse. Mais cela ne suffit pas pour soigner le blues d'une profession qui a perdu beaucoup de ses attraits. Le prestige de la fonction, passé dans la machine à rentabilité, en est sorti bien délavé.

    Hier, l'enseignant-chercheur était une éminence à laquelle on s'adressait avec déférence. Aujourd'hui, c'est un jean-foutre geignard, qui, non content d'avoir un emploi à vie, s'offusque en plus qu'on lui demande de rendre des comptes. L'attaque de Nicolas Sarkozy le 22 janvier dernier -"Je ne veux pas être désagréable, mais, à budget comparable, un chercheur français publie de 30% à 50% de moins qu'un britannique"- a ouvert des plaies pas encore cicatrisées.

    Ici, tout le monde s'en moque!

    "Quand j'ai soutenu ma thèse sur la post-colonisation en Algérie, j'ai eu quelques heures de gloire, raconte Clarisse Buono, 38 ans, sociologue, auteur d'un drolatique Félicitations du jury (Privé). J'ai donné des interviews et mes parents ont enfin compris ce qui m'avait occupée tant d'années sans me rapporter d'argent. Mais le soutien moral et financier de l'entourage n'est pas illimité. Au bout d'un moment, on devient pathétique..." Ceux qui s'accrochent le font en prenant le risque de l'amertume. Olivier Coux, 49 ans, directeur de recherche au CNRS, en biologie, à Montpellier, lui, ne veut pas qu'on le plaigne : il est titulaire dans une profession qui se précarise de plus en plus. Pourtant, l'essentiel de son salaire, 3 000 euros, passe dans le remboursement de sa maison. Il n'a pas de secrétaire, partage un bureau de 6 mètres carrés avec un collègue, consacre l'essentiel de son temps à des tâches administratives - quand il ne nettoie pas lui-même son labo, faute de personnel habilité à faire le ménage dans les zones à accès limité... "En Allemagne, les chercheurs ont le mot "docteur" accolé à leur nom, sur leur carte d'identité. Ici, tout le monde s'en moque! s'amuse-t-il. On nous demande d'être en compétition avec les meilleurs labos du monde, mais nous n'avons même plus les moyens de réfléchir, d'échanger. Cela crée une frustration; les gens traînent des pieds pour venir au labo..."

     

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