• LYCEE : LA REFORME EN DOUCE(UR) - Mediapart

     L’application de la  réforme du lycée, annoncée à grand fracas pour la rentrée 2009, a donc été reportée et son principal artisan, le très audacieux recteur Gaudemar, judicieusement écarté. Mais pendant que son successeur, Richard Descoings, batifole dans les provinces, en quête d’idées lumineuses et de « bonnes pratiques » de terrain, la réforme se met peu à peu en place, en toute discrétion, dans quelques établissements[1]. Comme si les gesticulations du patron de Sciences-Po n’avaient pour objet que de cacher la réalisation d’une réforme officiellement repoussée.

                La méthode Descoings : démocratie participative et poudre aux yeux

                Retour sur la chronique d’un échec annoncé par le SNALC (Syndicat NAtional des Lycées et Collèges) dès le mois de juin. Début décembre 2008, lycéens et professeurs sont dans la rue pour rejeter en bloc modules, modification des statuts et lycée à la carte. Pour avoir accumulé précipitation, médiatisation mal gérée, annonces farfelues et propositions contradictoires, le ministère est aux abois. Paradoxe presque risible : la généralisation des protocoles de discussion, destinés à « moderniser le dialogue social », n’a réussi qu’à faire converger les mécontentements. Et à fédérer les oppositions. Car chacun a désormais une bonne raison de conspuer le ministère : les exclus « volontaires » des discussions, ceux qui n’ont pas signé et en contestent la légitimité ; les exclus « involontaires », ceux que l’on n’a « pas pensé » à inviter, telles les bruyantes fédérations de parents d’élèves ; les « inclus-exclus », qui après avoir un temps tenté de discuter ont jugé bon, en période pré-électorale, de quitter le navire ; ceux qui restent encore, espérant le pourrissement de la réforme dans l’œuf ; et même les ébahis des premiers jours, syndicats « réformistes » ( dont SGEN et UNSA en tête) effarés du rythme des discussions, et qui réclament un simple report du calendrier – « s’il vous plaît, monsieur le bourreau, encore une minute »…  

    Officiellement au moins, l’opposition à la réforme est unanime. Et après tant de fracassantes déclarations dans les semaines qui ont précédé, les appels au calme ne servent plus qu’à enfoncer davantage ceux qui les lancent. Jouer les lycéens contre les profs, en leur promettant la lune et le lycée sans contraintes, n’a fait qu’attiser leur méfiance instinctive. Entre menaces sur les horaires disciplinaires, perspectives de choix différenciés selon les établissements et baccalauréat par contrôle continu, le ministère a en effet oublié une donnée essentielle : l’attachement obsessionnel des élèves – et de leurs parents – à l’égalité des chances la plus absolue, quand bien même celle-ci ne serait, comme aujourd’hui, que très théorique. Outre l’envie irrépressible chez certains de faire l’apprentissage des barricades, les lycéens ont donc bien compris où se situait leur intérêt. Même si l’on peut douter parfois, à la lecture de certaines déclarations, de la logique développée par leurs représentants : ainsi l’Union Nationale des Lycéens déclare-t-elle lors d’un Conseil Supérieur de l’Education que l’horaire lycéen est actuellement trop chargé, tout en exigeant un enseignement obligatoire de philosophie et de Sciences Economiques et Sociales dès la seconde. Mais le ministère lui-même n’est alors en rien un modèle de cohérence : professeurs, parents et élèves apprennent ainsi par voie de presse la suppression des Sciences Economiques et Sociales, puis leur réintroduction sous la forme d’un enseignement d’économie optionnel délesté des éléments de sociologie, et finalement la possibilité que les SES deviennent obligatoires. Et chacun, rue de Grenelle, de se renvoyer la balle lorsque le Journal du Dimanche annonce la suppression des mathématiques et de l’histoire-géographie du tronc commun de première et terminale…

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