• Quand les journalistes du Monde comprendront la réforme de l'Université, les universitaires liront-ils encore le journal ? Blog de Christophe Pebarthe (Mediapart)

    Après le fort mouvement des universités l'année dernière, même les plus pessimistes pensaient que les journalistes du Monde, Philippe Jacqué et d'autres, finiraient par comprendre. Qu'ils rédigeraient eux-mêmes leurs articles sans reprendre béatement les slogans gouvernementaux… Au moins pouvait-on souhaiter qu'en cette période de trêve, la rhétorique méprisante et modernisatrice perdrait de sa verve, qu'à minuit un toast serait porté à la santé de la déontologie, bref que de bonnes résolutions seraient prises en cette Saint-Sylvestre 2009. Plus de papiers rédigés à la sauvette, depuis le surplomb confortable que constitue un journal du soir et de référence, mais des articles faisant l'effort d'expliquer, de rendre compte des faits, quitte à maintenir dans un éditorial des commentaires peu amènes sur "le degré de crispation des universités" au moment de "la crise universitaire du printemps 2009" (Le Monde, 5 janvier 2010). Rassurons les journalistes du Monde, à force d'être crispés, les universitaires ont appris à vivre avec les crampes que certaines lectures leur procurent…
    Remercions Maryline Baumard et Philippe Jacqué. Ils n'ont pas mis longtemps à nous détromper. Dès le 1er janvier (édition du 2 janvier), pas de temps à perdre, une nouvelle fois, ils célèbrent l'autonomie des universités, une véritable "révolution culturelle". Les plus anciens se souviendront que l'éloge avait déjà été fait l'année dernière, au moment des premiers passages aux responsabilités et compétences élargies. Les mauvaises langues supposent que la prochaine apologie pour janvier 2011 est peut-être déjà écrite… À moins que, pour plaire au président de la République, on ne décide de resservir le même article, afin de signifier à tous les esprits retors qui auraient le mauvais goût de moquer des discours identiques prononcés à un an d'écart, que si l'histoire ne repasse pas les plats, Le Monde n'hésite pas à servir la même soupe.

    Comme le notent Maryline Baumard et Philippe Jacqué, l'épidémie des responsabilités et compétences élargies (RCE) gagne peu à peu le paysage universitaire. Trente-trois nouvelles universités accèdent à ce statut en cette année 2010. À y bien réfléchir, mais sans doute est-ce par précaution déontologique, nos deux journalistes auraient dû ajouter, "seulement trente-trois". Comment comprendre en effet que trente-deux établissements, vraisemblablement crispés, attendent au lieu de choisir cette libération ? Le lecteur attentif sent poindre quelque explication dans le constat incidemment énoncé. "Très peu d'universités de sciences humaines sont pour l'instant passées aux RCE". Pour quelles raisons ces universités-là demeurent-elles en dehors de la "révolution culturelle" ? N'est-ce pas leur dernier soubresaut, leur baroud d'honneur avant une capitulation en rase campagne devant la modernité triomphante de l'autonomie ? Mais sans doute s'agit-il simplement de souligner que certaines universités, toujours les mêmes, sont à la remorque des autres, toujours les mêmes, par pusillanimité ou par impréparation ("soit parce qu'elles ne l'ont pas encore demandé, soit parce qu'elles ne l'ont pas obtenue").


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